UNABOMBER
Par Claire Von Corda
Court texte rédigé pendant et après l’écoute de l’EP Terrorisme du duo de harsh noise parisien UNABOMBER.
Dans ta robe de parano, les rangers pleins de boue, nous avançons. On traverse le terrain. Et c’est lourd putain. Ça colle aux semelles, c’est lourd putain, les genoux coincés, quand tu les soulèves, ils ne fonctionnent pas. Tu me parlais de ta mère, de ta meuf, je sais plus, je n’écoute pas, je surveille. Mes pieds s’enfoncent dans de la merde, je ne comprends rien au noir. L’air pue l’usine d’à côté. Les vigils sont partis et les chiens, je prie pour que les chiens noirs dorment. Il ne fait pas froid, quand tu respires il n’y a pas de buée par ta bouche seulement tes paroles. Les paroles, ta tristesse, ta place que tu ne trouves pas. Je suis désolée. Les égouts ne sont pas loin, on pourrait y nager tu me dis. Une autre fois mec.
On avance. On avance parce que demain, demain faut avoir tout laissé. On est deux ombres sur le terrain. On est cons d’avoir choisi ce chemin, y avait surement plus simple. Y a des voitures garées pour la nuit. Et une tour éteinte pas loin.
Pas loin c’est les quartiers nord. Ce soir ils sont absents. Alors toi et moi nous traversons. C’est intraduisible ce moment. Cet âge, c’est la transe. Les genoux rament, les mains cassent le ciel. Et tu t’arrêtes. Tu t’arrêtes et tu ries. Et moi je m’en branle, j’en ai marre, je veux me casser, je t’abandonne. Tu m’insultes. C’est facile. Tu m’insultes. Mais j’avance. Ta robe elle se déchire, je le vois dans le noir. T’as des cris d’animaux. C’est pas humain, t’es comme un mort et moi je fuis. Ça me panique bordel, tu me paniques. T’es figé, bloqué dans des amas de pneus de chaises cassées, de déchetterie. T’es que fumée. Des cendres. J’avance vers le grillage. Les chiens dorment, je prie pour que les chiens dorment. Des pneus crissent au loin. Au loin c’est la ville, la fête des morts. Ils hurlent tous dans les rues et sur les boulevards aussi. Cette période, sera, cette période sera la dixième plaie. J’avance tu cries, je hurle et tu disparais. Ta bouche s’ouvre comme le sexe immense d’une femme immense. Ta robe de demoiselle d’honneur de merde, crame sur ton torse. Tes longs cheveux t’es un mec, tes longs cheveux, t’es parti. Et j’avance. Le grillage derrière moi. Les chiens bouffent la lune, et le parking lisse. Je marche dessus. Mes rangers chargées de boue laissent des paquets, je glisse, je pourrais glisser, j’avance. T’as les basses. Les basses de la ville. Depuis le début je ne les entends pas, je les ressens, elles pulsent dans mon thorax. Je ne vomis pas, elles me guident, je vais voler bientôt. Bientôt, je serai au-dessus des toits mec, et tu pourras t’agiter, encore et encore, crier, me retenir, je ne me retourne pas, regarde, mes yeux sont ouverts, je ne me retourne pas et regarde, mes yeux sont ouvert alors cesse et brule.
Moi, je deviens cendres épaisses et hautes.