Action Directe
Moodboard : Vecteur Dissident
Textes : Manon Schaefle
(Corpus de photographies sélectionnées par VD pour accompagner une sélection de textes de MS)
“… L’action initialement prévue par les Nuisants n’aura pas lieu ; les services secrets de l’Ordre ont mis à jour leurs desseins, sans pour autant parvenir à identifier les têtes pensantes du projet. A la base, un petit groupe composé d’une dizaine de membres de la tribu - les noms avaient été tirés au sort - devait s’introduire dans la plus grande centrale de fabrication de gélules de substances psycho-actives régulatrices, située à la limite de la frontière administrative de la ville, pour tenter de bloquer la chaîne d’encapsulation. Plan relativement classique ; la clé étant de prendre tout le monde par surprise, en attaquant quand ils ne s’y attendent pas. Ce coup-ci, ils s’y attendaient. Un informateur sous couverture - il s’active dans le secteur de l’Ordre pour la cause - les a avertis deux jours avant la date prévue qu’ils avaient été démasqués, et qu’une brigade d’Harmonizators® avait déjà été envoyée faire des rondes autour des grilles de la centrale. Il faut dire qu’à force de voir se multiplier les attaques contre les centrales de gélules, les autorités les ont identifiées comme l’une des cibles les plus vulnérables face à la menace terroriste et ont nettement renforcé les dispositifs de sécurité et le cyber espionnage à ce niveau. Pour autant, les Nuisants n’abdiquent pas….”
“… À l’unisson, Donna et les autres perturbants dégainent de leur manche des parapluies, masquent les codes-barres d’identification imprimés dessus avec du gros scotch noir et, dans un mouvement parfaitement chorégraphié, se les échangent par une chaîne qui va de droite vers la gauche. La coordination n’est pas chose à prendre à la légère quand on nargue un gouvernement doté d’un appareil répressif quasi-omniscient et automatisé. Le balai des parapluies, c’est pas que pour le spectacle. C’est le plus efficace et discret des boucliers de protection qu’ont trouvé les perturbants pour se protéger des jets de gaz lacrymogènes et des caméras à reconnaissance faciale et capteurs identitaires planquées dans les lampadaires multifonctions. Et en interchangeant leurs boucliers, les perturbants affirment la solidarité entre membres, chacun portant la responsabilité du code-barre de l’autre. Ni une ni deux, les sirènes des lampadaires se mettent à retentir sur l’artère ainsi que dans tous les immeubles et rues adjacents.
Les Harmonizators® ne vont pas tarder à se rameuter. Les passants, tant paniqués par les hurlements stridents diffusés par les poteaux lumineux que par la concentration de tous ces déviants qui affluent comme une nuée de corbeaux autour d’eux, tentent de trouver refuge dans les boutiques et les bureaux. Les agents de sécurité déclenchent les systèmes de protection anti-émeute : des cloisons métalliques poussent de terre pour couvrir les vitrines, les grilles de sécurité sont baissées à la hâte, on coffre les fenêtres avec des planches. Certains s’improvisent meneurs de troupeaux et forment des corridors pour orienter la foule vers les intérieurs. Devant la tour MB5, un homme en complet orange qui n’a pas eu le temps de s’abriter avant la tomber de la grille, avec un nourrisson enrubanné dans le dos, frappe de ses poings les barreaux en métal qui recouvrent la devanture sous le regard éberlué de ceux qui sont dedans, collés à la baie vitrée. Asphyxié de terreur, il les supplie à genoux : « Je vous en prie, laissez-moi rentrer. Ils vont croire que je suis avec eux ! » Il n’a pas tord : une fois sur place, les Harmonizators® ne feront pas de quartier et tireront dans le tas, considérant que ceux qui souhaitaient partir ont eu l’occasion de le faire. A travers le micro de la porte d’entrée, un agent de sécurité lui répond : « Déposez l’enfant dans la boîte à colis. Je crains cependant que nous ne puissions pas remonter les grilles, vous m’en voyez navré. » …”
“…Contre les balles, les pierres pleuvent. Pendant qu’une équipe fend la chaussée à l’aide de pioches, Donna et les autres ramassent les pavés comme poussés du sol et rassemblent des forces qu’ils n’ont pas sans le hit d’adrénaline pour les balancer le plus loin qu’ils peuvent sur leurs assaillants. Elle parvient à en toucher un en plein dans le capteur thermique, pas protégé par la carapace : il chancèle et se fait écraser par le rouleau des pattes d’acier des autres que rien ne paralyse, sauf cas de détérioration matérielle ou de panne technique. Ça la ferait presque rire tant l’analogie est parfaite : un pouvoir si acharné dans son geste d’écrasement qu’il finit par se mutiler un membre. Une sorte de serpent qui se mord la queue et qui, sentant la douleur, se la bouffe au lieu de lâcher.
Derrière la barricade, les perturbants tombent comme des mouches. Avec le nuage de fumigènes et les lacrymos qui crament la rétine, les secouristes peinent à retrouver les blessés, dont certains gisent les tripes au soleil. La plupart d’entre eux ont dû sacrifier leur t-shirt pour faire des garrots d’urgence. Une ligne d’Harmonizators® s’avance jusqu’aux pieds de la barricade, éteint les foyers avec des lances à eau sorties de sous leurs carapaces, puis se met à gratter le sol et déplacer les éléments amoncelés pour se frayer un passage. « Prenez les javelots et virez-les, embrochez-les, mais ne les laissez surtout pas passer de notre côté!» Hurle un Acidstroyer au visage bariolé de peinture blanche et de coulées de sang. Un autre tente de raviver le moral de la bande : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. Tenez bon ! » …”
Action Directe – Moodboard Vecteur Dissident – Texts Manon Schaefle
Space Faith. Science Fiction cycle. A quest in the deep space, feelings and nightmares. Curated by Hervé Coutin